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Full text of "Entrée de François Ier dans la ville de Béziers (Bas-Languedoc)"

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DC 

113.3 

.M47 

1866 


ENTRÉE 


DE 


FRANÇOIS    I 

DANS  LA  VILLE  DE  BÉZIERS 

(BAS-LANGUEDOC) 

PUBLIÉE    ET    ANNOTÉE 


ER 


PAR 


LOUIS  DOMAIRON 


DE      PLUSIEURS      SOCIÉTÉS      SAVANTES 


v. 


CHEZ    AU 


l'un    DBS   LIBRAIRES   DE   LA   SC 


3900300H76521 


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in  2011  with  funding  from 

University  of  Toronto 


littp://www.arcliive.org/details/entredefranoOOmerc 


ENTRÉE 


DE 


FRANÇOIS     I 

DANS  LA  VILLE  DE  BÉZIERS 

(  BAS-LANGUEDOC ) 


ER 


Tiré  ^200  exemplaires  : 

180  sur  papier  vergé  fort. 

16  —  papier  chamois. 

3  —  peau  de  vélin. 

\  —  parchemin. 


ENTRÉE 


DE 


FRANÇOIS   I 

DANS  LA  VILLE  DE  BÉZIERS 

(BAS-LANGUEDOC) 
PUBLIÉE     ET     ANNOTÉE 


ER 


PAR 

LOUIS  DOMAIRON 

DE   PLUSIEURS    SOCIÉTÉS   SAVANTES 


.^ 


0-JJ   ' 


PARIS 

CHEZ    AUGUSTE    AUBRY 

L*UN    DES  LIBRAIRES    DE   LA  SOCIÉTÉ   DES    BIBLIOPHILES   FRANÇOIS 

MDCCCLXVI 


iit&8 


Otîav'ter5.î. 


NOTICE 


rançois  premier ,  pendant  sa  capti- 
vité à  Madrid,  avait  fait  le  vœu 
^.^^  d'un  voyage  de  dévotion  à  Notre- 
Dame-du-Puy  et  à  Saint-Sernin,  de  Tou- 
louse, s'il  obtenait  sa  délivrance. 

Lafaille,  dans  ses  Annales,  en  parlant  du 
vœu  fait  par  le  roi ,  s'exprime  ainsi  : 

«  François  fut  donc  conduit  en  Espagne  et 
«  mené  à  Madrid.  Il  n'y  fut  pas  longtemps 
«  sans  s'appercevoir  que  ce  qui  lui  avoit  été 
«  dit  en  Italie  par  le  vice-roi  n'estoit  que  four- 
be berie;  car  Charles  ne  le  visita ,  ni  ne  luy  fit 
«  faire  aucune  proposition,  le  tenant  toujours 


—  G  — 

«  dans  le  château  de  Madrid,  sous  une  garde 
u  assez  rigoureuse.  Ce  traitement,  qui  tenoit 
«de  l'injure,  le  jetta  dans  une  si  profonde 
«  mélancolie  qu'il  en  tomba  malade,  et  en 
«  danger  de  mort.  Ce  fut  dans  ce  danger  que 
<(  le  roi  fit  un  vœu  aux  saints  dont  les  rcli- 
«  ques  sont  conservées  dans  la  fameuse  église 
«  de  Saint-Sernin,  de  Toulouse,  ou  il  y  avoit 
«  alors  beaucoup  plus  de  dévotion  qu'il  n'y 
«  en  a  à  présent.  Il  recouvra  sa  santé;  et  la 
«  piété  nous  doit  porter  à  croire,  comme  il  le 
(c  crut  luy-méme ,  que  ce  fut  par  l'interces- 
«  sion  de  ces  saints.  » 

On  croyait  que  François  premier  viendrait 
à  Toulouse  pour  accomplir  son  vœu;  mais  le 
péril  était  passé,  et  le  roi  de  France,  rendu  à 
la  liberté,  crut  pouvoir  faire  acquitter  ce  vœu 
par  procuration.  Voici  ce  que  dit  encore  à  ce 
sujet  l'annaliste  de  Toulouse  : 

ce  La  régente,  qui  s'estoit  rendue  à  Rayonne 
«  avec  tous  les  grands  du  royaume  pour  y 
«  saluer  le  roy,  écrivit  une  lettre  aux  Capi- 
<c  touls,  dattée  de  cette  ville-là,  par  laquelle 
(c  elle  leur  fesoit  sçavoir  que  le  roi  avoit  ré- 
(c  solu  de  venir  à  Toulouse  pour  acquitter  le 
<c  vœu  dont  j'ay  parlé.  Le  seigneur  de  Lau- 
«  trec  écrivit  aussi  sur  le  même  sujet.  Ces  avis 


«  furent  la  matière  de  plusieurs  délibérations 
a  qui  se  tinrent  dans  l'Hôtel-de- Ville  pour  se 
a  préparer  à  bien  recevoir  le  roi  et  à  luy  faire 
«  une  entrée  dont  la  magnificence  répondît  à 
la  dignité  de  cette  ville.  On  départyt  des 
commissaires  pour  travailler  aux  prépa- 
ratifs. Il  y  a  une  délibération  entre  autres 
qu'il  sera  fait  au  roy  un  présent  de  six  figu- 
res d'argent  en  relief  des  six  apôtres,  dont 
les  corps  reposent  dans  l'église  de  Saint- 
Sernin;  ce  quy  avoit  rapport  au  vœu  du 
roi.  Mais  peu  de  temps  après  les  Capitouls 
reçurent  une  seconde  lettre  de  la  régente 
pour  les  avertir  que  le  roi  avoit  changé  de 
résolution ,  et  qu'il  prenoit  son  chemin 
droit  à  Paris.  C'est  pourquoy  à  son  départ 
de  Rayonne  il  envoya  un  ordre  à  Minute 
son  premier  président  de  Toulouse ,  de  ren- 
dre ce  vœu  à  son  nom,  ce  que  Minut  fit 
avec  beaucoup  de  solennité  dans  l'église  de 
Saint-Sernin.  Entr'autres  choses,  il  offrit 
les  six  gros  cierges  parsemez  de  fleurs  de 
lys  d'or  qu'on  voit  suspendus  à  des  barreaux 
de  fer  devant  la  chapelle  du  Saint-Esprit; 
on  peut  voir  dans  les  preuves  l'inscription 
de  ce  vœu  qu'il  y  a  sur  un  marbre  contre 
le  nom  de  cette  chapelle.  » 


—  8  — 
Cette  inscription  était  ainsi  conçue  : 

AD     PEKPETUAM 

U  K  I 
MEMORIAM 

Franciscus  I ,  Galliarum  rex  ,  Madriti  CUM 

ESSET  APUD  HOSTES,  LETHALI  MORBO  AFFEC- 
TUS,  DIVIS  QUORUM  SACREE  RELIQUIiE  IN  HAC 
SANCTISSIMA  BASILICA  ASSERVANTUR  VOTUM 
NUNCUPAVERAT,  QUOD  EX  FrANCISCI  MANDATO, 
REGIIS  VICIBUS,  CLARISSIMUS  VIR  JaCOBUS  MiNU- 

Tius,  Senatus  Tolosani  princeps,  adstan- 

TIBUS  OMNIUM  ORDINUM  CIVIBUS ,  RITE  PER- 
SOLVIT  ANNO  SALUTIS  MDXXV. 

Plusieurs  années  s'écoulèrent  sans  que 
François  premier  pût  s'acquitter  du  pèleri- 
nage qu'il  avait  projeté  de  faire  à  Notre-Dame- 
du-Puy.  Les  troubles  que  la  réforme  avait 
suscités  en  Allemagne  et  en  France ,  et  plus 
particulièrement  le  mariage  de  Henri,  duc 
d'Orléans,  fils  du  roi_,  avec  Catherine  de  Mé- 
dicis,  nièce  de  Clément  VII,  déterminèrent 
le  voyage  du  monarque  dans  le  midi  de  la 
France ,  où  il  devait  avoir  une  entrevue  à 
Marseille  avec  le  pape. 

François  premier  partit  donc  de  Fontai- 


—  9  — 
nebleau  au  mois  d'avril  1 533,  et,  mettant  à 
profit  cette  occasion  d'exécuter  son  projet  de 
pèlerinage,  il  s'arrêta  à  Notre-Dame-du-Puy, 
traversa  le  Rouergue  et  l'Albigeois,  et  arriva 
à  Toulouse ,  d'oU  il  continua  sa  route  par  le 
Bas- Languedoc.  On  lui  fit  partout  de  grandes 
fêtes  et  des  présents;  l'accueil  fut  d'autant 
plus  éclatant  que  c'était  la  première  fois  qu'il 
visitait  la  province. 

Les  historiens  de  la  ville  du  Puy,  Lafaille, 
dans  ses  Annales  de  Toulouse;  le  père  Bouges, 
dans  son  Histoire  de  Carcassonne ,  le  Thalamus  de 
Narbonney  le  Thalamus  de  Montpellier;  Ménard, 
dans  son  Histoire  de  A^wm^^, mentionnent  tous  à 
l'envi  le  passage  du  roi  dans  la  province ,  se 
livrent  à  certains  détails  des  entrées ,  et  men- 
tionnent la  variété  des  présents  offerts  par  les 
cités  joyeuses  au  monarque  voyageur  ;  mais 
leur  relation  n'est  pas  complète,  et  il  n'existe 
pas  de  récit  spécial  et  officiel. 

L'annaliste  de  la  langue  d'oc  analyse  à  son 
tour  d'une  manière  très-sommaire  les  inci- 
dents du  voyage  de  François  premier,  et  ren- 
voie pour  les  particularités  aux  historiens  et 
chroniqueurs  que  nous  venons  de  citer. . 

Le  récit  de  l'entrée  de  François  premier 
dans  la  ville  de  Béziers  est  des  plus  complets  ; 


lO    

il  nous  a  été  conservé  par  le  greffier  rédacteur 
de  la  maison  consulaire  de  cette  cité.  Un  ma- 
nuscrit en  parchemin,  format  in-4'%  conte- 
nant divers  documents  sur  l'histoire  locale, 
et  conservé  dans  les  archives  de  l'Hôtel-de- 
Villc,  porte  en  tête  la  relation  de  la  susdite 
entrée. 

C'est  à  un  greffier  nommé  Mercier  que 
nous  sommes  redevables  des  détails  vraiment 
curieux  de  tout  ce  qui  se  passa  dans  la  ville  de 
Béziers  lorsque  le  monarque  de  France  vint 
prendre  gîte  dans  cette  localité.  L'écrivain 
était  parfaitement  renseigné,  et  il  raconte  avec 
un  style  parfait  ce  qui  se  produisit  sous  ses 
yeux.  Aucune  particularité  n'est  livrée  à 
l'oubli.  Le  personnel  de  la  suite  du  roi  est 
mentionné  avec  une  précision  remarquable, 
quant  aux  fonctions ,  charges  et  dignités  de 
chaque  personnage. 

L'écrit  que  nous  allons  rapporter,  et  dont 
nous  avons  collationné  le  texte  avec  le  plus 
grand  soin,  a  besoin  d'une  analyse  complète: 
nous  allons  nous  y  livrer.  Certaines  notes 
nous  ont  paru  nécessaires  pour  la  lecture  du 
texte  ;  nous  les  fournirons  au  fur  et  à  mesure 
de  la  transcription. 

L'écrivain  Mercier,  en  tête  de  sa  relation, 


—  II  — 

place  la  liste  de  tous  ceux  qui  accompagnaient 
François  premier  dans  son  voyage  dans  le 
midi  de  la  France.  L'énumération  de  la  suite 
royale  est  des  plus  précises  ;  elle  est  ainsi  indi- 
quée : 

1°  Le  roy  très  crestien  François,  premier 
de  ce  nom,  filz  de  feu  monseigneur  Jehan, 
duc  d'Angomoys  et  Poytou ,  issu  de  la  vraie 
progéniture  du  feu  bon  roy  Charles  cin- 
quiesme  et  de  madame  Loyse  de  Savoie. 

2"  Madame  Aliénor  d'Espaigne,  sa  com- 
paigne,  royne  de  France,  seur  de  Charles  cin- 
quiesme,  empereur  et  roy  des  Espaignes. 

3°  Les  très  illustres  et  très  excellens  susten- 
teurs  de  la  foy  François  de  Valoys,  daulphin 
de  Viennoys ,  duc  de  Bretaigne  ;  Charles  de 
Valoys,  duc  d'Orléans  ;  Loys  de  Valoys,  duc 
d'Angolesme  et  de  Poytou  ,  et  mesdames  Ma- 
deleine et  Loyse,  tous  cinq  fils  et  filles  du 
roy. 

4°  Le  roy  de  Navarre ,  mari  de  Marguerite 
de  France.  —  Le  chroniqueur  de  Béziers  fait 
observer  que  cette  princesse  ne  suivit  point 
la  cour  par  suite  de  son  état  de  grossesse. 

5°  Le  duc  de  Vendôme. 

6°  Le  comte  de  Saint- Fol. 

7°  Le  comte  de  Nevers. 


—    12    

8°  Leduc  de  Longucville. 
9°  Le  marquis  de  Kothclin. 

i(/'  Le  duc  de  Nemours,  et  autres  princes 
du  sang  royal. 

II"  Monseigneur  Antoine  du  Prat,  arche- 
vêque de  Sens,  légat  et  chancelier  de  France. 

12"^  Le  cardinal  de  Lorraine,  Tarchevéque 
de  Narbonne,  le  maréchal  de  Montmorency, 
Charles  de  Genoilhac,  grand  maître  de  l'artil- 
lerie; le  seigneur  de  Barbezieux  et  plusieurs 
autres  gros  seigneurs. 

Parmi  les  dames  de  la  suite  le  greffier 
Mercier  signale  la  duchesse  de  Vendôme,  la 
comtesse  de  Nevers,  la  grande  maîtresse, 
fille  de  feu  le  bâtard  de  Savoye,  la  maréchale 
de  Châtillon,  madame  de  Roye. 

Après  cette  nomenclature  assez  étendue,  le 
narrateur  fait  la  remarque  suivante  :  Lesquels 
princes  et  princesses  ^  seigneurs  et  dames,  menoyent 
quant  à  eux  grand  nombre- de  gros  seigneurs  et  evcs- 
ques,  dames  et  damoy  selles ,  que  je  laijsse  à  réciter  pour 
obvier  prolexité. 

Depuis  la  visite  de  Charles  VI  dans  le 
midi  de  la  France ,  aucun  monarque  n'avait 
mis  ses  pieds  sur  la  terre  de  la  langue  d'oc  ; 
aussi  l'apparition  de  François  premier  dans 


—  i3  — 

cette  plantureuse  contrée  donna  lieu  à  une 
ovation  continue. 

Le  roi  de  France  partit  le  26  juin  i533; 
son  itinéraire  est  parfaitement  tracé  par  l'an- 
naliste Biterrois.  La  cour  devait  stationner 
dans  les  villes  suivantes  :  Le  Puy,  Rodez, 
Alby,  Toulouse,  Garcassonne,  Narbonne, 
Béziers,  Montpellier,  Nîmes,  Aigues-Mortes, 
Avignon  et  Marseille. 

Le  but  du  voyage  est  précisé  :  le  roi  de- 
vait se  rendre  à  Marseille ,  en  Provence ,  pour 
recueillir  le  pappe  Clément  septiestne  pour  alcuns  ar- 
dueux  affaires  concernans  l^ augmentation  de  la  foy, 
thuition  de  l'église  militante,  et  le  bien  universel  du 
royaulme,paix  et  tranquillité  des  subjects  du  dit  seigneur, 

La  route  de  Lyon  au  Puy  étant  trop  mon- 
tueuse,  le  cortège  royal  se  divisa  en  deux 
fractions  à  partir  de  Lyon.  Le  roi  gagna,  avec 
partie  des  grands  seigneurs,  les  montagnes  du 
Velay,  et  la  reine ,  avec  ses  dames ,  se  dirigea 
vers  les  plaines  du  pays  de  la  langue  d'oc.  Des 
messages  particuliers  avertirent  les  popula- 
tions sur  ce  nouvel  ordre  de  marche. 

Le  vingt-cinq  juillet  la  reine,  avec  sa  suite 
particulière ,  arriva  à  Béziers,  et  alla  loger, 
sans  démonstration  publique,  dans  l'hôtel 
épiscopal.  Tout  le  cérémonial  de  l'entrée  ne 


—  14  — 

devait  avoir  lieu  qu'au  retour  de  Leurs  Ma- 
jestés ;  aussi,  après  une  station  de  vingt-quatre 
heures  ,  la  reine  poursuivit  son  chemin  pour 
aller  rejoindre  le  roi  à  Toulouse.  La  reine 
reçut  présent  et  don  defruicts  et  confitures,  tant  cuHliz 
en  ce  pays  que  aulx  Espaignes  à  grand  largesse  et 
abundance,  par  plus  de  troys  charges ,  lesquelles  furent 
moult  gracieusement  acceptez. 

Le  vingt-six  août,  un  courrier  annonça  aux 
consuls  de  Béziers  la  venue  prochaine  du  roi, 
et  qu'on  pouvait  se  livrer  aux  préparatifs  de 
l'entrée.  Les  honneurs  furent  seuls  réservés 
pour  le  roi  et  la  reine;  le  dauphin  fut  seul 
excepté  du  programme  pour  obvier  aux  grands 
fraiz  et  mises. 

Ce  message  excita  la  sollicitude  des  gouver- 
neurs de  la  cité  de  Béziers.  Vingt-deux  hom- 
mes furent  préposés  pour  nitîier  et  préparer  mai- 
sons et  rues;  les  bons  vins  de  la  \iIIq  furent  visités 
et  retenus»  On  fit  atmenQr  foings  et  avoines  et  aultres 
vivres  nécessaires  pour  la  suite  dudit  seigneur.  La 
ville  et  le  diocèse  s'imposa  une  cotisation  de 
trois  mille  livres  pour  les  présents^  pavilhons, 
arcs  triumphans  et  aultres  fraiz  nécessaires.  On  im- 
provisa une  milice  de  trois  cent  soixante-huit 
hommes,  qui  serait  abillée  et  acoutrée  de  livrée  du 
roy. 


—  i5  — 

La  présence  du  roi  était  impatiemment  at- 
tendue ;  les  apprêts  de  l'entrée  avaient  reçu 
leur  dernier  complément,  lorsque  messire 
Anne  de  Montmorency,  maréchal  de  France 
et  gouverneur  pour  le  roi  en  Languedoc ,  se 
présenta  le  lo  août  devant  la  tête  du  pont 
d'Orb,  non  loin  de  la  Maladrerie,  aux  avenues 
du  chemin  de  Capestang.  Ce  haut  dignitaire 
fut  reçu  avec  tous  les  honneurs  dus  à  son 
rang. 

Le  gouverneur  de  la  province  précéda  la 
venue  du  roi  et  de  sa  suite,  et  vint  s'assurer 
si  les  honneurs  réservés  au  monarque  étaient 
dignes  du  royal  visiteur-  Entrons  dans  le  dé- 
tail des  chafaudSj  pavillons  et  devises,  qui  déco- 
raient la  porte  de  ville,  dite  du  pont. 

Un  arc  de  triomphe  était  placé  à  l'entrée 
delà  porte.  Cet  arc  était  affecté  à  l'entrée  du 
roi.  A  côté  de  la  porte  et  de  l'arc,  on  avait  si- 
mulé une  montage  élevée  et  peinte  de  verdure,  sur 
laquelle  figuraient  trois  blasons  :  les  armes  du 
roi ,  celles  de  Languedoc ,  et  celles  de  Be- 
ziers. 

Au-dessous  de  l'écusson  royal,  il  y  avait  un 
cœur  traversé  d'une  lettre  F,  d'or,  qui  avait 
pour  emblème  de  représenter  le  cœur  de  la 
France;   l'écusson  de  Languedoc    avait  un 


—  i6  — 

cœur  percé  de  la  lettre  L ,  et  l'c'cusson  de  Bé- 
zicrs  de  la  lettre  B. 

Au  plus  haut  de  la  montagne,  on  avait  in- 
tercalé une  devise,  qui  était  suivie  d'un  dicton 
en  rime  Françoise.  Cette  poésie  était  un  hom- 
mage rendu  à  Montmorency,  dont  le  nom 
était  découpé  en  style  de  calembour.  Les 
armes  du  roi,  de  la  reine,  et  du  gouverneur 
de  Languedoc,  figuraient  avec  éclat  sur  le 
Mont  d'amour  moranî  cy. 

Les  consuls  firent ,  suivant  l'usage  de 
l'époque,  présent  d'une  quantité  de  vaisselle 
en  vermeil  à  Anne  de  Montmorency,  qui 
promit  aux  gouverneurs  de  la  cité  son  in- 
tervention pour  faire  opérer  à  la  localité  les 
embellissements  réclamés  avec  instance  par  la 
population. 

Ce  ne  fut  que  le  i3  août,  dans  l'après-midi, 
que  François  L""  arriva  aux  approches  de  la 
porte  du  pont.  Le  seigneur  de  Sorgues,  capi- 
taine des  enfants  de  la  ville,  marchait  en  tête 
du  cortège  qui  allait  au  devant  du  roi.  il  était 
suivi  des  gouverneurs  de  la  cité,  des  nobles 
du  diocèse,  des  officiers  de  justice,  et  d'un 
grand  concours  de  personnages  de  robe  et 
d'épée. 

La  description  des  costumes,  la  marche  et 


—  17  — 

les  allures  de  la  milice  improvisée,  les  noms 
des  seigneurs,  rien  n'est  omis.  Le  récit  prend 
de  l'animation  de  plus  en  plus  sous  la  plume 
du  greffier  de  la  maison  consulaire. 

Le  juge  mage,  M'^  De  Puymisson,  harangue 
le  roi;  le  capitaine  de  Sorgues,  au  grand  con- 
tentement de  Sa  Majesté,  fait  faire  des  évolu- 
tions à  la  troupe  sous  ses  ordres;  les  feux 
de  mousqueterie  se  prolongent;  la  population 
enthousiaste  fait  retentir  les  airs  de  mille  cris. 

Depuis  le  moment  où  le  maréchal  de  Mont- 
morency a  quitté  les  murs  de  Béziers,  la  dé- 
coration de  la  porte  du  pont  a  été  totalement 
changée. 

Un  grand  arc  de  triomphe,  dont  le  faîte  était 
supporté  sur  des  colonnes  carrées,  avec  corni- 
ches à  l'antique,  paint  à  porphires  et  jaspes^  por- 
tait au  sommet  l'écusson  royal,  dans  un  grand 
feston,  fait  avec  des  branches  de  grenadier. 
Au-dessous  se  trouvaient  les  armes  de  la  reine 
et  celles  du  dauphin  et  de  monseigneur  d'Or- 
léans. Force  devises  symboliques  étaient  je- 
tées çà  et  là,  avec  de  grandes  rimes  à  la  devise 
du  roi  et  de  la  reine.  Par  une  courtoisie  de 
bon  aloi,  les  enfants  de  France  étaient  dans 
un  ^/cfo/z  de  neuf  vers,  placés  sous  l'aile  ma- 
ternelle d'Aliénor  d'Espagne. 


—  i8  — 

Sur  Varc  triomphant,  et  à  une  certaine  éléva- 
tion, il  y  avait,  dit  le  narrateur,  chajjaull  en  forme 
d'une  tour  dressée  par  géométrie,  aysé  à  lever  et  des- 
cendre par  subtil  artifice ,  et  de  draps  d'or  et  de  soye 
de  diverses  colleurs ,  à  V aspect  et  forme  du  ciel,  riche- 
ment aourné,  sur  lequel  y  estoient  trois  jeunes  filles  en 
beauté  naturelle  superlatives,  et  de  accoutrement  à  la 
Toscane ,  soigneusement  décorées  et  enquores  de  conte- 
nence  mieux  exquises  ;  plus  déesses  ou  espéritz  angé- 
liques  que  corps  féminins,  par  leur  resplandicente  for- 
mosité  et  maintien  non  accoutumé  aux  yeulx  humains, 
et  des  assistans  adjugées.  On  le  voit,  le  narrateur 
Mercier  fait  de  la  poésie  dans  ses  descrip- 
tions. 

Ces  trois  personnages  allégoriques  représen- 
taient la  ville  de  Beziers,  l'Obéissance  et  la  Loyauté. 
A  l'approche  du  roi,  un  ressort  mécanique  fit 
descendre  la  tour,  et  l'accès  de  la  porte  du 
pont  fut  totalement  intercepté.  Les  trois 
jeunes  beautés  s'avancèrent  vers  le  roi ,  lequel, 
transpassé  du  veiz  attractif  et  regard  plus  qu'humain 
dHcelles,  demi  ravi,  pensant  ce  estre  pluS'Ung  songe 
que  chose  naturelle,  soudainement  se  arresta  et  sa 
troppe. 

Les  jeunes  filles  présentèrent  les  clés  de  la 
ville  à  François  I^^  et  de  leurs  si  très- déliés 
goziers,  et  voix  sereines  lui  prononcèrent  trois 


—  19  — 

couplets  élogieux.  Le  poêle  d'honneur  fut 
placé  devant  le  roi;  dès  ce  moment  le  cortège 
se  mit  en  marche  vers  le  centre  de  la  ville 
aux  acclamations  les  plus  sympathiques.  On 
atteignit  la  place  de  la  Trinité,  aujourd'hui 
Saint-Sauveur.  Là  le  haut  clergé,  précédé  de 
l'évêque,  présenta  ses  hommages  respectueux 
au  monarque,  qui  alla  prendre  gîte  dans  le 
palais  épiscopal. 

Le  programme  de  l'entrée  avait  subi  la 
moitié  de  ses  prescriptions.  La  reine  fut  reçue 
également  à  la  porte  du  pont,  et  tout  le  cor- 
tège se  dirigea  de  nouveau  vers  le  chemin  de 
Capestang.  La  reine  et  les  filles  du  roi  furent 
placées  sous  un  poêle  d'une  autre  structure 
et  d'une  autre  couleur.  La  mousquetetie  re- 
doubla ses  salves ,  la  population  ses  cris  d'al- 
légresse, et  le  roi  estoiî  aux  fenestres  de  la  maison 
episcopallCy  qui  véisî  le  desduit  de  Ventrée^  et  rentrer 
dans  ladite  ville  le  seigneur  de  Sorgues  et  gens  de 
pied  merchant  en  très  bon  ordre  :  où  le  dit  seigneur print 
grand  plaisir. 

A  l'entrée  de  la  nuit,  les  consuls  présen- 
tèrent au  roi,  à  la  reine  et  aux  enfants  de 
France  des  fruits  et  confictures^  tant  d'Espaigne  que 
de  ce  pays^  à  grans  abundance^  et  de  bons  vins  mus- 
cats et  cleretz. 


—    20    — 

Le  Icrulcmain,  quatorze  août,  au  matin,  les 
consuls,  suivis  de  beaucoup  de  bourgeois  et  de 
marchands,  firent  au  roi,  à  la  reine  et  aux 
enfants  de  France,  des  présents  magnifiques, 
consistant  en  coupes  en  vermeil,  ornées  de 
rubis,  perles  et  autres  pierres  précieuses, 
taillées  et  poussées  en  forme  de  fleurs  de  Ijs.  La  mu- 
nificence de  la  cité  fidèle  s'étendit  même  jus- 
qu'aux personnages  les  plus  influents  et  les 
mieux  titrés  de  la  suite  du  roi. 

La  relation  que  le  greffier  de  la  maison 
consulaire  de  Béziers  nous  a  laissée  sur  l'en- 
trée de  François  L'  dans  cette  ville  au  bas  de 
la  langue  d'oc  est  remarquable  sous  bien  des 
rapports;  elle  nous  initie  à  une  foule  de  dé- 
tails, dont  nous  allons  préciser  les  principaux. 

Durant  le  XV I^  siècle,  Torfévrerie  fut  en 
grand  honneur;  elle  était  regardée  comme 
l'apanage  de  la  nobljsse  et  de  la  royauté. 
L'influence  du  cardin.il  d'Amboise  sur  les 
arts  survécut  au  règn-^  de  Louis  XII  et  dé- 
termina le  caractère  du  rè^ne  de  François  P'". 
Ce  prince,  neveu  du  duc  Charles  d'Orléans, 
et  fils  de  Jean,  comte  d'Angoulême,  avait  été 
à  bonne  école  pour  se  faire  dès  l'enfance  une 
ardente  préoccupation  des  arts  et  de  tout  ce 
qui  est  l'éclat  c^  la  grandeur  des  rois.  Il  était 


naturellement  généreux,  et  il  comprenait 
d'instinct  les  choses  de  luxe  et  de  magnifi- 
cence. Comme  Georges  d'Amboise,  comme 
Louis  XII ,  il  appela  d'Italie  les  grands  ar- 
tistes ,  qu'il  désirait  employer,  pour  ainsi 
dire,  à  la  décoration  de  son  trône. 

Suivant  les  habitudes  de  l'époque,  Fran- 
çois I^%  dans  son  voyage  de  la  langue  d'oc, 
reçut  en  ouvrages  d'orfèvrerie  des  objets  dits 
de  grosserie ,  consistant  surtout  en  vaisselle 
plate,  argent  et  vermeil.  Ces  objets  venaient 
des  fabriques  de  Toulouse  et  de  Montpellier, 
alors  en  grand  renom  artistique.  En  général, 
les  relations  ne  nous  ont  conservé,  par 
malheur,  que  le  prix  de  ces  présents. 

Dans  rénumération  des  présents  faits  au 
gouverneur  Anne  de  Montmorency,  le  gref- 
fier Mercier  entre  dans  quelques  détails  et 
signale  : 

Ung  grand  plat  d'argent  surdouré,  et  deux  belles 
coppes,  desquelles  l'une  esîoytfaicte  en  couverte^  toutes 
surdourées  richement,  lesquelles  estaient  de  valeur  de 
500  livres. 

Les  présents  faits  au  roi  consistaient  : 

En  une  coppe  d'argent  surdourée^  au  dedans  de 
laquelle  y  avolt  ung  salinier  duquel  le  creux  et  le  couvert 
estoitde  crestail^  le  pied  et  aultre  garniture  d'or,  fort  mer- 


—    22    — 

veilleusement  ouvré,  et  garni  et  aourné  tout  à  l'entoury 
et  par-dessus  le  couvercle  et  au  milieu  du  pied,  de  saf- 
Jirs^  rubis j  perles  et  aultres  pierreries  taillées  et  poussées 
en  forme  de  fleurs  de  lys. 

Ceux  de  la  reine  sont  ainsi  décrits  : 

Vn  bassin  et  deux  coppes  d'argent  surdouréz. 

A  la  grand-maîtresse,  épouse  d'Anne  Mont- 
morency : 

Deux  coppes  d'argent  surdourées. 

Le  coût  de  ces  magnifiques  cadeaux,  par 
suite  d'une  lacune  devant  indiquer  le  chiffre, 
est  laisse  en  blanc  dans  le  manuscrit. 

Les  devises,  les  couleurs  et  les  emblèmes 
furent  en  grande  vogue  à  la  cour  de 
Charles  VH.  C'est  à  cette  époque  que  Sicille, 
hérault  d'armes  du  roi  Alphonse  d'Aragon,  ré- 
digea son  célèbre  Blason  des  couleurs ,  où  Ton 
apprend  que  l'or  ou  le  jaune  signifiait  :  ri- 
ohesse;  le  rouge  :  supériorité;  le  noir  :  simplicité;  le 
vert  :joie-j  le  pourpre  :  abondance;  l'argent  ou 
le  blanc  :  pureté  (i). 

Ces  mêmescouleurs  étaient  expliquées  d'une 
autre  façon,  et  leur  symbolisme  varia  com- 
plètement au  seizième  siècle.  L'art  du  blason, 
qui   réglait  l'ordonnance  des  couleurs  ou  li- 

(i)  Voy.  nouvelle  édition  publiée  par  Hipp.  Cocheris.  Paris, 
Aubry,  1860. 


~   23    — 

vrées,  faisait  aussi  dans  ses  attributions  les 
emblèmes  et  les  devises,  langage  mystique  et 
sacramentel  à  l'usage  des  nobles  et  vertueux. 

Les  pièces  des  armoiries  n'étaient  que  des 
emblèmes;  les  devises  servaient  à  l'interpréta- 
tion de  ces  emblèmes.  Sous  le  règne  de 
Charles  VIT,  tout  fut  emblématisé,  moralisé, 
allégorisé.  C'était  une  mode  qui  s'étendait 
aux  choses  les  moins  susceptibles  de  la  pren- 
dre. La  peinture  et  la  sculpture,  la  poésie  et  la 
science,  la  religion  et  la  morale,  ne  parlaient 
aux  esprits  et  aux  yeux  que  par  des  images. 

Ces  traditions  étaient  dans  toute  leur  plé- 
nitude d'activité  au  XVI^  siècle.  Le  greffier 
Mercier  nous  donne  quelques  annotations  à 
cet  égard. 

Quant  au  blason,  nous  trouvons  les  lignes 
suivantes  touchant  le  costume  allégorique 
des  trois  personnages  représentant  la  ville  de 
BezierSy  l'Obéissance  et  la  Loyauté  : 

<c  Desquelles  icelle  du  milieu  représentoit 
((  la  ville  de  Beziers  vestue  d'ung  satin  jaune 
acier  citrin,  et  plus  apparent  entre  les  coi- 
te leurs,  comme  l'or  entre  les  métaux,  et  le 
«  soleil  entre  les  corps  célestes,  et  la  socie, 
(c  vulgairement  dite  le  gauch,  entre  les  fleurs; 
«  laquelle  colleur  jaulne,  selon  la  blazon  des 


—    24   — 

«  colleurs,  en  vertus  signifie  sapiancc,  richesse 
«  et  magnanimité,  et  en  humanité  et  amours, 
«signifie  jouissance,  prudence  et  haultesse; 
«  et  pour  la  porter  en  livrée  le  bleu  et  le  blanc 
«  y  sont  sur  toutes  aultres  colleurs  mieux 
<c  séantz,  signifiant  humble  et  loyal  jouissant. 

«  La  seconde  fille,  qui  cstoit  à  la  main  droicte, 
a  estoit  nommée  Obéissance,  vesteue  de  satin 
«  blanc,  blanche  colleur  et  commencement  de 
(c  beaulté  et  joye,  et  comparée  à  la  lune,  et  des 
"  métaulx  à  l'argent,  et  des  pierres  précieuses 
((  au  diamant  et  à  la  marguerite,  et  des  fleurs 
<(  au  lys  et  à  la  rose,  et  signifie  la  personne 
«  juste,  humble,  joyeulx,  large  et  chaste. 

«  La  tierce  fille,  qu'estoit  à  la  main  gauche, 
((  estoit  nommée  Loyaulté,  vestue  de  satin  bleu 
«  turquin,  qu'est  colleur  moyenne  entre  Peau 
«  et  l'air,  et  ressemble  au  ciel,  en  pierreries 
((  au  safir,  en  fleurs  aulx  ambesfoins  et  ne  me 
(c  oblie  mie,  en  métaulx  à  Pestaing ,  et  en 
(c  vertus  et  amours  signifie  bonté,  cortoisie, 
(C  louyaulté  et  amitié. 

<(  Or  donc,  approuchant  le  roy  et  sa  suyte 
(C  de  la  dicte  porte  et  arc  triumphant,  enrichy 
«  de  ses  trois  médailles  superlatives  aournées 
((  de  trois  colleurs  susdites,  blanc,  jaune,  bleu, 
<c  dénotans  que  Beziers  ,  par  obeyssance,  de- 


—    25    — 

(c  meure  en  la  prison  d'amour  au  lys  de 
(c  France  ,  depuis  Glovis  I^"",  roy  créstien ,  et 
<(  que  à  présent  par  loyauté  avoit-ellela  jouys- 
(c  sance  et  fruyssioii  de  la  présence  de  son 
«  prince  et  naturel  seigneur » 

On  vient  de  le  voir  encore,  le  greffier  de  la 
maison  consulaire  de  la  ville  de  Béziers  con- 
naissait parfaitement  le  blason  du  XV I^  siècle, 
et  ses  réflexions  ne  pouvaient  pas  être  plus 
précises. 

Les  couleurs  de  l'étoffe  du  poêle  sous  lequel 
François  P""  fit  son  entrée  dans  Béziers 
étaient  de  velours  rouge  doublé  de  taffetas 
bleu  et  parsemé  de  fleurs  de  lis  d'or,  avec 
frange  de  même. 

Le  poêle  sous  lequel  la  reine  Aliénor  entra 
en  ville  était  en  satin  blanc  doublé  de  taffetas 
bleu  et  semé  de  fleurs  de  lis  d'or.  A  chaque 
carré  du  poêle  on  remarquait,dans  un  écusson , 
les  armes  de  France  et  d'Espagne  mi-parties. 

Lors  de  la  réception  du  maréchal  de  Mont- 
morency, le  costume  du  seigneur  de  Sorgues, 
capitaine  des  enfants  de  la  ville,  était  de  ve- 
lours de  livrée,  divisé  en  carrés  de  diverses 
couleurs,  et  par-dessous  doublé  de  toile  d'or. 
Les  quatre  gaillards  qui  marchaient  sous  ses 
ordres  étaient  accoutrés  de  même. 


Lors  de  rentrée  du  roi,  le  costume  du  sei- 
gneurs de  Sorgueset  de  ses  compagnons  avait 
totalement  changé;  voici  ce  qu'en  dit  la  rela- 
tion du  greffier  Mercier  ; 

«  Premièrement  marchoit  le  seigneur  de 
«  Sorgues,  cappitaine  des  enfants  de  la  ville, 
«  accoutre  bravement  de  velours  aux  colleurs 
«  de  roy  :  jaulne,  violet  et  incarnat,  fort  dé- 
«  couppé,  chausses  et  porpoint,et  le  tout  doblé 
«  de  drap  d'or  et  le  collet  de  mesmes,  en  cap- 
ce  pitaine  de  avanturiers;  auprès  duquel,  et  le 
(c  suyvant  cinq  à  cinq,  marchoient  trente  ou 
«  plus  gaillards  hommes  en  avanturiers  vestus 
«tous  de  velours  echiquettés,  chausses,  por- 
te point  et  coulet,  et  une  grosse  chaîne  d'or  au 
«  col,  chescun  portant  une  espée  à  deux  mains  ; 
«  et  quant  et  quant  marchoient  cent  avantu- 
<(  riers  accabuziers ,  tous  accoutrés  de  velours 
a  ou  de  livrée  des  colleurs  du  roy.  » 

Quant  aux  devises  et  à  la  poésie  qui  ser- 
vaientd'ornement  aux  arcs  de  triomphe,  il  faut 
lire  attentivement  la  relation  du  greffier  con- 
sulaire pour  avoir  une  idée  de  la  poétique  de 
l'époque  et  du  langage  hyperbolique  qui  en 
faisait  l'essence. 

Les  muses  locales  ne  furent  ni  oisives  ni 
silencieuses   à  raison  de  l'entrée   de   Fran- 


—   27  — 

cois  I«^,  à  qui  mieux  mieux  chacun  vint  ap- 
porter sur  tribut.  Certains  dictons,  certaines 
devises,  certains  emblèmes,  ne  furent  point 
accueillis  par  les  administrateurs  de  la  cité. 
Le  narrateur  Mercier  a  eu  le  soin  de  trans- 
mettre à  la  postérité  les  rimes  qui  ne  furent 
point  acceptées,  à  la  contrariété  y  dit-il,  de  certains 
habitans.  Il  fait  observer  :  i°  que  l'on  voulait 
dresser  nng  séjour  d^honneur,  auquel  eussent  esté  deux 
dames,  Vune  nommée  Humilité,  et  Vaultre  République; 
ung  jeune  enfant  leur  frère,  nommé  Bon  Voloir,  qui  à 
la  requeste  de  ses  sœurs  eust  présenté  le  séjour  de  hon- 
neurs au  roy; 

2"  Que  pareillement  à  la  place  vouloit-on 
dresser  ung  arbre  nommé  de  bonne  renommée, 
CHARGÉ  DE  LYS,  et  au  plus  haut  les  armes  de  France, 
et  au  piedseriont  assit  deux  dames  :  foy  et  justice; 
et  un  peu  avant  le  dict  arbre  y  seriont  deux  aultres  dames  : 
HONNEUR  et  vertu; 

3°  Enfin  que  l'on  voulait  dresser  ung  chafault 
auprès  de  l'arc  de  la  Trinité,  au  plain  de  la  grande 
esglise,  et  dans  icelluy  mettre  douze  bergiers  et  autant  de 
jeunes  berjerettes  acoutrées  de  taffetas ,  portans  oletîes 
et  panetières,  dansans  les  ungs  au  son  des  orgues  et 
musetes,  et  les  aultres  chantans  motets  en  orgues  et 
par  accord. 

Le  style  du   greffier  Mercier  est    imagé, 


—    28    — 

correct,  et  a  toutes  les  qualités  de  la  vraie  nar- 
ration. Dans  toute  la  langue  d'oc  aucun  con- 
temporain ne  s'est  livré  à  un  récit  aussi  ac- 
centué, aussi  chargé  de  détails.  Comme  page 
écrite,  valeur  du  XV!*^  siècle,  la  relation  de 
l'entrée  de  François  I^-^dans  la  ville  de  Béziers 
est  digne  du  plus  haut  intérêt. 

L.   D. 


Entrée  du  roy  Françoys,  premier  de  ce  nom, 

ET    DE   MADAME    ALIÉNOR   d'ESPAIGNE  ,  SEUR    DE 

Charles  cinquiesme,  empereur  et  roy  des 
espaignes,  royne  de  france,  et  de  monsei- 
gneur de  montmorancy,  grand  maistre  et 
maréchal  de  france,  faicte  en  la  ville  de 

BeZIERS  EN  l'an  MDXXXIII  (l),  ESTANS   CONSU'i 

égrèges  et  vénérables  personnes  maistre 
Pierre  de  Pradines,  docteur  ez-droits_,  et 
Jacques  du  Soustre ,  merchant;  François 
Bernete  pour  mazelliers  (2),  Arnauld  Se- 

NAULT,  laboureur,  ET  PlERRE  JOUGLAR,  SABA- 
TIER  (3). 


E  ROY  TRES  CRESTiEN  Françoys,  premier 
;de  ce   nom,  filz  de  feu   monseigneur 
_^^^7 Jehan,    duc   d'Angomoys    et    Poytou, 
issu  de  la  vraie  progéniture  du  feu  bon  roy  Charles 


(i)  Mil  cinq  cent  trente  trois. 

(2)  Mazelliers,  bouchers. 

(3)  Sabatier,  cordonnier. 


—  3o  — 

cinquicsmc  et  de  madame  Loyse  de  Savoye , 
en  son  vivant  régente  en  France,  estant  en  sa 
bonne  ville  de  Lyon ,  au  moys  de  jung  mil  cinq 
cens  trente  trois ,  en  compagnie  de  très  haulte , 
très  illustre  et  très  excellente  dame  madame  Aliéner 
d'Espaigne ,  sa  compaigne ,  royne  de  France , 
seur  de  Charles  cinquiesme,  empereur  et  roy  des 
Espaignes,  et  de  très  hauts,  très  illustres,  et  très 
excellents  sustenteurs  de  lafoy  François  de  Valoys, 
daulphin  de  Viennoys,  duc  de  Bretaigne;  Charles 
de  Valoys,  duc  d'Orléans;  Loys  de  Valoys,  duc 
d'Angolesme  et  de  Poytou,  et  de  mesdames  Magda- 
lene  et  Loyse,  tous  cinq  fils  et  filles  du  dict  roy 
nostre  dict  seigneur  et  de  feue  madame  Claude  de 
France,  en  son  vivant  compaigne  du  dict  sei- 
gneur, fille  du  bon  feu  roy  Loys  douziesme  et  de 
Madame  Agnès  de  Bretaigne  ;  la  court  duquel 
prince  et  royne  et  de  messieurs  ses  enfants  suy- 
voient  Charles  (i)  roy  de  Navarre,  conte  de  Foys, 
Comenge  et  Armagnac,  mari  de  très  illustre  et 
haulte  dame  madame  Marguerite  de  France,  du- 
chesse d'Alenson  et  Berry,  seur  du  roy  (laquelle 
dame  ne  suyvist  point  la  court,  pour  ce  que  de- 


(i)  Henri,  et  non  Charles  d'Albret,  roi  de  Navarre,  épousa  en 
1526  Marguerite,  sœur  de  François  I". 


—  3i  — . 

meura  ensainte  à  Paris),  monseigneur  le  duc  de 
Vendosme,  le  comte  de  Saint-Pol,  son  frère  le 
comte  de  Nevers,  duc  de  Longueville,  marquis  de 
Rothelin,  duc  de  Nemours_,  et  aultres  princes  du 
sang  royal;  monseigneur  révérendissime  Antoine 
Du  Prat,  arcevesque  de  Sens_,  légat  et  chancellier 
en  France;  monseigneur  révérendissime  cardinal 
de  Lorrayne,  arcevesque  deNarbone;  monseigneur 
de  Montmorancy,  grand  maistre  et  mareschal  de 
France,  et  gouverneur  du  pays  du  Lenguedoc; 
monseigneur  Charles  de  Genoillac,  dit  Galiot,  grand 
escuyer  et  maistre  de  l'artillerie;  le  seigneur  de 
Barbescenx,  et  plusieurs  gros  seigneurs  et  dames, 
comme  la  duchesse  de  Vendosme,  et  comtesse  de 
Nevers  ;  madame  la  grand  maîtresse,  fille  de  feu 
monseigneur  le  Bastard  de  Savoye,  en  son  vivant 
grand  maistre  en  France;  madame  la  maréchalle  de 
Chastillon,  seur  du  dict  monseigneur  de  Montmo- 
rancy, grand  maistre  et  gouverneur,  et  madame  de 
Roye  sa  fille,  femme  à  monseigneur  de  Roye, 
nepveu  du  révérend  père  en  dieu  messire  An- 
thoine  du  Boys,  fils  unique  de  feu  monseigneur  de 
Cordes  en  Picardie,  evesque  de  Beziers;  lesquels 
princes  et  princesses,  seigneurs  et  dames,  menoyent 
quant  à  eux  grand  nombre  de  gros  seigneurs  et 
evesques,  dames  et  damoiselles,  que  je  laysse  à  ré- 
citer pour  obvier  prolexité. 


—    32    — 

Print  le  dit  seigneur  délibération  de  visiter  son 
bon  pays  de  Lenguedoc,  auquel  ne  avoit  eu  roy  de 
France  qui  y  cust  faict  entrée  dès  Pan  miiixxxix 
et  le  vingtiesme  de  novembre,  que  le  roi  Charles 
sizieme  visa  (i)  lors  le  dict  pays  de  Lenguedoc. 

El  pour  ce  faire  le  dict  seigneur  arresta  partir  de 
Lyon  le  lendemain  de  la  sainct  Jean  XXVP  de 
jung,  et  prandre  le  chemin  du  Puy,  et  de  là  à 
Tholose,  et  après  par  le  pays  de  Lenguedoc  à  Car- 
cassonne,  Narbonne,  Beziers^  Montpellierj  Aiguës 
Mortes,  Nismes,  et  de  là  en  Avignon  et  à  Marseille 
en  Provence,  pour  recueillir  le  pappe  Clément  sep- 
tiesme  pour  alcuns  ardueux  affaires  concemans  l'aug- 
mentation de  la  foy,  thuition  de  l'église  militante, 
et  le  bien  universel  du  royaulme,  paix  et  tranquil- 
lité des  subjects  du  dit  seigneur. 

Toutes  foys,  à  cause  que  le  dict  seigneur  vou  - 
loit  passer  par  la  ville  du  Puy,  pour  le  vœj  qu'il 
avoit  faict  en  Nostre  Dame  en  la  dicte  ville,  et  que 
le  dit  pays  est  en  montaigne,  où  les  charriors  de  la 
royne  et  dames  ne  pouvoient  passer,  au  dict  Lvon 
fust  faite  despartie  (2)  :  c'est  que  le  roy  prinst  le 
chemin  du  Puy,  Rodez  et  Alby,  pour  soy  rendre  à 
Tholose,  et  la  royne,  ensemble  les  dictes  dames. 

(i)  visa  pour  visita. 

(2)  Despartie,  séparation. 


—  33  — 

vint  par  le  pays  du  Daulphiné  et  bas  Lenguedoc, 
et  pour  ce  mon  dict  seigneur  le  grand  maistre  gou- 
verneur de  Lenguedoc,  et  monsieur  Jehan  de  Pon- 
chier,  chevalier,  général  de  Lenguedoc  (i),escrip- 
virent  lettres  à  toutes  les  bonnes  villes  du  dict  pays 
de  Lenguedoc. 

Le  viNGT-ciNQUiESME  jour du  moys  de  juillet,  la 
royne  et  mesdames  les  filles  du  roy,  accompaignées 
des  dames  dessus  nommées,  entrarent  dans  la  dite 
ville  de  Beziers,  et  feust  lougée  à  la  maison  de  Pa- 
vesque,  et  ne  luy  feust  point  pour  lors  faicte  entrée 
suyvant  le  commandement  du  roy,  en  attendant  le 
retourn  qu'ils  faisoient  ensemble  auretourn  deTho- 
lose.  La  ville  de  Beziers  feist  à  la  royne  et  mes- 
dames filles  de  France  présent  et  don  de  fruicts  et 
confitures  tant  cuilliz  en  ce  pays  que  aulx  Espaignes 
à  grand  largesse  et  abundance,  par  plus  de  troys 
charges,  lesquel  furent  moult  gracieusement  ac- 
ceptez; et  le  lendemain  XXVI^  du  dict  moys  de 
juillet  partirent  de  la  dicte  ville  pour  s'en  aller  à 
Tholose  trouver  le  roy. 

Le  XXVI^  d'aoust,  messieurs  les  consuls  du  dit 
Beziers,  par  ung  chevaucheur  (2)  de  l'escurie  du 
roy  reçurent  lettres  missives  de  monseigneur  le  grand 

(i)  Jean  de  Ponchier,  général  des  finances  en  Languedoc. 
(2)  Chevaucheur  ou  chevauchier,  ècuyery  courrier, 

5 


-  34  - 

maistrc,  et  de  monseigneur  le  général,  les  en  ad- 
vcriissant  de  la  dicte  venue  du  roy,  et  qu'on  lui  ap- 
prcstàt  et  à  la  royne  de  leur  faire  l'entrée  requise , 
et  si  escripvirent  que,  pour  obvier  aulx  grands  frais 
et  mises,  monseigneur  le  Daulphin  ne  feroit  point 
d'entrée  ez-villes  de  Languedoc,  fors  que  en  la  ville 
deTholose. 

Le  dict  mesme  jour,  les  dits  messieurs  consuls 
de  Beziers  assemblarent  en  la  salle  basse  de  la 
maison  commune  monseigneur  pierre  d'Amoye, 
docteur  ez-droits,  seigneur  d'Amoye  et  Avene,  lieu- 
tenant de  monseigneur  le  seneschal  de  Carcas- 
sonne  ;  monseigneur  Jehan  de  Murviel,  viguier  du 
dict  Beziers,  et  en  plusieurs  habitants  de  la  dite 
ville,  pour  adviser  et  comploter  de  ce  qu'il  estoit 
nécessaire  pour  la  dite  entrée;  et  par  délibération 
du  dict  conseil  feust  conclu  que  l'on  manderoit  les 
diocésains  pour  aider  et  subvenir  aux  frais  néces- 
saires ;  et  oultre  furent  commis  XXII  hommes,  c'est 
deux  pour  chacun  bourg,  à  faire  nittier  (i)  et  pré- 
parer les  maisons  et  ruels,  chescung  en  son  endroit; 
furent  députés  commissaires  à  faire  amener  foings 
et  avoines  et  aultres  vivres  nécessaires  pour  la  suite 
du  dict  seigneur;  visités  et  retenus  tous  les  bons 
vins  de  la  ville  ;  et  après  assemblés  les  diocésains 

(i)  Nittier  ou  nettéïer,  rendre  propre^  nettoyer.  (Roquefort.) 


—  35  — 

par-devant  messieurs  les  officiers  ;  feurent  mizes  et 
cotisées  sus  la  ville  et  diocèse  pour  les  présens,  pa- 
vilhons,  arcs  triumphans  et  aultres  fraiz  néces- 
saires, troys  mille  livres;  et  oultre  que  chesque 
ville  et  villaige  du  dict  dioceze  feroit  ung  homme 
par  feu,  abillé  et  acoutré  de  livrée  du  roy,  ou  de 
la  royne ,  ou  de  monseigneur  le  grand  maistre  ; 
que  sont  en  somme  IIF.  LXVIII  (i)  hommes,  oul- 
tre ceux  hommes  de  livrée  que  les  habitans  ayzés 
de  la  ville  feroient  pour  leur  plaisir. 

Asprés  conséquemment,  feurent  receues  plusieurs 
lettres  missives  par  messieurs  les  consuls  journelle- 
ment, de  la  venue  du  Roy,  escriptes  à  Tholose 
tant  par  mes  dicts  seigneurs  les  grand  maistre  et  gé- 
néral que  par  monseigneur  de  Clermont  de  Lodève, 
lieutenant  pour  le  roy,  et  de  mon  dict  seigneur  le 
gouverneur  au  dict  pays  de  Lenguedoc,  auquel  sei- 
gneur de  Clermont  le  Roy,  lors  estant  à  Lyon,  avait 
donné  l'office  de  seneschal  de  Carcassonne  et  Be- 
ziers  vaccant  par  letrespas  de  miessire  Jehan  de  Le- 
vis,  chevalier  et  baron  de  Mirapoix. 

Le  Xe  dudict  moys  d'aoust  mil  cinq  cens  trente- 
troys  entra  dans  la  ville  de  Beziers  messire  Anne  de 
Montmorency,  premier  baron  de  France,  chevalier 
de  l'ordre,  comte  de  Beaulmont  en  Picardie,  grand 

(i)  Trois  cent  soixante-huit. 


—  36  — 

maistre  et  mareschal  de  France  et  gouverneur  pour 
le  Roy  en  Lenguedoc,  auquel ,  pour  raison  de  son 
gouvernement,  messieurs  les  officiers,  consulz  et 
habitans  firent  entrée  ;  et  le  allarent  quérir  à  cheval, 
en  nombre  de  cinquante  ou  soixante  hommes  ache- 
vai ,  messieurs  les  consulz ,  pourtant  leurs  robes  et 
chaperons  de  livrée  du  consulat,  et  leurs  trompettes 
au  devant  avecque  cinq  enseignes  de  gens  de  pied 
en  nombre  de  cinq  cens  hommes,  tous  piquiers  (i) 
ou  acabusiers,  et  abillés  la  plus  grand  part  de  la  li- 
vrée de  mon  dict  seigneur  le  grand  maistre,  et  estoyt 
le  capitaine  le  seigneur  de  Sorgue  Pierre  Boyé,  en- 
fant de  la  dicte  ville,  qui  estoit  richement  acoutré 
de  velours  de  livrée,  eschiquetté  (2)  et  pardessoubs 
doblé  de  toyle  d'or,  et  auprès  de  luy  avoit  environ 
trente  gaillards  hommes,  enfans  de  la  ville,  tous 
accoutrés  de  velours  eschiquetté  de  mesmes,  pour- 
tans  espées  à  deux  mains  ;  lequel  seigneur  ils  trou- 
varent  à  un  gest  d'arbaleste  par-dessus  la  ladre- 
rie (5)  venent  le  chemin  de  Capestang  et  le  salua- 
rent  triumphantement  à  gros  coups  de  accabutz  (4^, 

(1)  Piquiers,  portant  des  piquts.  —  Acabusiers,  portant  ar- 
quebuse. 

(2)  Eschiquetté,  d'msè  en  carrés  de  diverses  couleurs. 

(3)  La  ladrerie,  aujourd'hui  maladrerie,  à  peu  de  distance  de 
la  ville. 

(4)  Accabuts ,  arquebuses. 


-37- 

et  après  que  le  dict  seigneur  eust  veu  marcher  toute 
la  dicte  bande  (où  il  print  grand  plaisir),  se  approu- 
charent  de  luy  messieurs  les  viguier  et  juge,  et 
consulz  et  aultres  habitans,  et  là  saluarent  le  dict 
seigneur  honnorablement,  et  luy  feust  faicte  la  aran- 
gue  par  maistre  Jacques  de  Puymisson,  juge  pour 
le  Roy,  et  ainsi  le  conduirent  (2)  jusques  à  la  porte 
de  la  ville  appellée  du  pont,  où  il  feust  salué  à  gros 
coups  de  gros  canons.  Audevant  de  laquelle  porte 
l'on  avoit  dressé  ung  arc  triumphant  pour  l'entrée 
du   Roy,  et  au   cousté  des   dicls   porte    et  arc 
triumphant  avoit-on  faict  une  montaigne  ellevée 
et  paincte  de  verdure  en  laquelle  y  estoient  af- 
fixés  troys  armes   :   c'est   les  armes  de  France 
qui  estoient  les  plus  haultes  ;  et  au-dessous  les 
armes  de  Lenguedoc  ;  c'est  troys  lengues  d'or, 
assises  sur  champ  d'azur,  et  les  armes  de  la  ville  de 
Beziers  (3);  et  audessoubs  de  chescunes  des  dictes 
armes  il  y  avait  ung  cueur(i)  traversé  d'une  let- 
tre F  d'or,  signifiant  le  cueur  de  France;  audessoubs 
les  armes  de  Lenguedoc  un  cueur  parsé  de  une  let- 


(i)  Conduirent  pour  conduisirent. 

(2)  Les  armes  de  Béziers  étaient  d'argent  à  trois  fasces  de 
gueules ,  au  chef  de  France  ;  l'écu  accolé  de  deux  palmes  de 
sinople ,  liées  du  champ. 

(î)  Cueur  ou  cuer,  cœur. 


—  38  — 

tre  L  d'or,  signifiant  Lenguedoc;et  audessoubs  des 
armes  de  la  dicte  ville  ung  cueur  iransversé  de  une 
lettre  B  d'or,  signifiant  le  cueur  de  Beziers;  et  au 
plus  hault  de  la  montaigne ,  y  avoit  un  diction  où 
estoit  escript  en  lettre  ytalienne  ce  que  s'ensuyt  : 
Pro  monte  est  Catho  cordatus;  et  pour  mieulx  enten- 
dre la  signification  des  dicts  mont,  armes  et  cueurs 
y  affixésàla  louange  dudict  seigneur  grand  maistre 
et  gouverneur,  à  chescun  desquels  cartiers  du  dict 
mont  y  avoyt  ung  dicton  en  ryme  françoise  des 
teneurs  suyvantes. 

PREMIER  DICTON. 

Caton  Romain ,  des  vertus  l'exemplaire , 

Cordatus  dit  par  vray  dérivation , 

En  ce  mont  cy,  bien  monstre  sa  lumière, 

Car  troys  corps  tient,  de  France  en  union. 

De  Languedoc,  Beziers;  si  te  prion 

Que  en  contre  toutz  soys  notre  protecteur. 

Car  je  me  mets  en  la  protection 

De  toy,  maistre  des  Gaules  gouverneur. 

SECOND  DICTON. 

Voyci  le  mont  d'amour  morant  cy, 

Le  vray  donjon  d'honneur  et  de  prouesse; 

Voici  le  mont  que  va  morant  ainsi , 

Pour  soubstenir  de  France  la  noblesse; 

A  toy  patron,  où  l'on  doyt  prendre  adresse, 

Béziers  s'adresse ,  comme  vray  conducteur, 


-39- 

Toi  requérant ,  que  nul  vi  (  i  )  ne  le  blesse , 
Car  on  confesse  t'estre  bon  gouverneur. 

Et  au-dessus  de  la  cornice  de  l'arc  triumphant 
de  la  dite  porte ,  y  estoient  en  grands  festons  de 
Buysset,  aournés  de  colleurs  nécessaires ,  les  armes 
du  Roy  au  milieu,  et  à  chesque  bot  les  armes  de  la 
Royne;  et  à  chescune  des  dictes  armes  pendoit  un 
aultre  grand  feston  de  mesme,  aourné  des  colleurs 
du  dict  seigneur  le  grand  maistre,  et  dans  iceuxles 
armes  du  dict  seigneur,  démonstrant  qu'après  la  fi- 
dellité  que  les  Bicterriens  avoyent  au  Roy  et  co- 
rone  de  France,  leur  espoir  tout  il  dépendoit  de  l'o- 
pitulation  et  suffragance  qu'ils  ont  en  la  faveur  et 
ayde  du  dict  seigneur  grand  maistre,  gouverneur. 

Et  est  à  noter  que  au  dict  seigneur  ne  feust  donné 
ni  présenté  le  poyle  d'honneur  que  l'on  dict,  en 
nostre  commun  lengaige,  pavilhon  ;  pour  ce  que  par 
aulcuns  domestiques  d'iceluy  seigneur  messieurs  les 
consulz  furent  advertis  que  l'intencion  du  dict  sei- 
gneur n'estoit  le  accepter,  et  que  en  plusieurs 
aultres  villes  de  Lenguedoc  le  lui  avoit  on  présenté, 
et  il  refusé  avoit.  Et  ainsi  entrèrent  en  la  ville,  la- 
quelle estoit  tendeue  par-dessus  de  draps  et  toylles, 
et  tapicée  des  coustés  ;  et  le  long  des  reues  pen- 
doyent  plusieurs  festons  de  Buysset  aulx  armes  du 

(i)  V\,  force. 


—  40  — 

dict  seigneur,  et  le  accompagnarent  jusqu'à  son  lo- 
gis chez  le  seigneur  de  Sorgues,  en  la  compagnie 
duquel  estoyent  monseigneur  Jehan  de  Ponchier, 
chevalier,  général  de  Lenguedoc;  monseigneur  Du- 
verny,  maistres  des  requesies  de  l'hostel  du  Koy,  et 
plusieurs  aultres  gens  du  conseil  du  Roy  et  des  fi- 
nances; et  tout  justement  que  le  dict  seigneur  feust 
lougé,  les  messeigneurs  consuls  ly  envoyèrenr  des 
vins  de  la  ville,  blancs  et  aultres,  en  abondance  ,  et 
offrirent  fruicts,  come  pesches,  poyres,  prunes,  dats, 
raysins  muscats  et  confitures  d'Espaignes, 

LE  DICT  JOUR,  justement  après  digner,  messei- 
gneurs les  consulz,  accompagnés  de  petit  nombre 
de  gens,  allarent  vers  le  dict  monseigneur  le  grand 
maistre,  où  estoit  le  dict  monseigneur  général  du 
Lenguedoc,  et  luy  firent  présent  de  ung  grand  plat 
d^argent,  surdouré,  et  deux  belles  coppes^  des- 
quelles Tune  estoit  faite  en  couverte,  toutes  surdou- 
rées  richement,  lesquelles  estoyent  de  valeur  de 
cinq  cens  livres;  lequel  présent  le  dict  seigneur  re- 
ceust  fort  gracieusement,  et  parla  aux  dits  messei- 
gneurs consulz  et  aultres  habitans  de  la  police  de  la 
ville  et  réparations  en  icelle  nécessaires,  et  leur 
promist  que  en  brief  le  roy  pourvoiroit  auix  ré- 
parations y  requises;  si  leur  offrist faire  tout  le  bien 
et  plaisir  en  ce  que  la  ville  le  requerroit  et  adver- 
tiroit,  et  peu  après  monta  à  cheval,  et  s'en  alla  au 


—  41  — 
giste  à  Pezenas,  pour  raison  que  avoit  aste  s'en  aller 
trouver  le  pappe  Clément  VII,  qui  s'en  venoit  à 
Marseille,  en  Provence,  pour  illec  soy  trouver  et  as- 
sembler avec  le  roy,  ainsi  que  dessus  est  dict,  et 
dont  à  part  en  la  géographie  bicterrienne,  par  moy 
transcripte,  à  plain  estfaicte  mention. 

Le  roy,  le  xiii^  jour  dudict  moys  d'aoust  au 
matin,  partit  de  la  ville  de  Narbonne  et  s'en  vint 
digner  à  Caspestaing,  et  après  digner  s'en  vint  en 
la  dicte  ville  de  Beziers,  et  luy  allarent  au  devant 
messieurs  les  viguier  et  juge,  consulz,  gens  de 
court,  bourgeois ,  marchans,  et  de  toutz  estatz  de 
la  dicte  ville,  à  cheval,  en  gros  nombre,  et  marcha- 
rent  en  l'ordre  suivant  : 

Premièrement  marchoit  le  seigneur  de 
SoRGUES,  cappitaine  des  enfans  de  la  ville,  accou- 
tré bravement  de  vellours  aux  colleurs  du  roy  : 
jaulne,  violet  et  incarnat,  fort  découppé,  chausses 
et  porpoint,  et  le  tout  doblé  de  drap  d'or,  et  le  col- 
let de  mesmes  ,  en  cappitaine  des  avanturiers  ;  au- 
près duquel,  et  le  suyvant  cinq  à  cinq,  marchoient 
trente  ou  plus  gaillards  hommes  en  avanturiers , 
vestuz  tous  de  velours  echiquettés  ,  chausses,  por- 
point et  coulet ,  et  une  grosse  chaîne  d'or  au  col , 
chescun  pourtant  une  espée  à  deux  mains  ;  et  quant 
et  quant  marchoient  cent  avanturiers  accabuziers, 
tous  accoutrés  de  velours  ou  de  livrée  des  colleurs 


—  42  — 

du  roy  ;  et  après  tant  de  avanturiers ,  picquiers  de 
mesme  livrée,  sous  une  enseigne  des  colleurs  du 
dict  seigneur  faicte  expressément  ;  et  après  mar- 
choient  soubz  cinq  enseignes  cinq  cens  hommes 
ou  plus,  tous  acabuziers,  picquiers  ou  alabardiers, 
de  cinq  en  cinq,  en  fort  bon  ordre,  touz  accoutrés 
de  livrée  du  dict  seigneur  ou  de  la  royne,  blanc, 
jaulne  et  tanné,  ou  de  monseigneur  le  grand  mais- 
tre,  jaulne,  gris  et  noir.  Conséqutivement  marchoient 
messieurs  les  officiers  et  messieurs  les  consulz  de 
la  dicte  ville,  à  cheval,  accompaignés  de  monsei- 
gneur de  Bozigues,  viguier  de  Gignac,  et  de  plu- 
sieurs aultres  gentilshommes  des  ville  et  diocèse 
de  Beziers,  gens  de  robe  longue  et  courte,  bour- 
geois, merchands  et  aultres,  tant  de  la  dicte  ville 
que  diocèse,  en  nombre  de  II  c.  (i)  hommes  ou 
plus,  lesquels,  en  l'ordre  dessus  dict,  allarent  trou- 
ver le  roy  à  un  quart  de  lieue  de  la  dicte  ville,  ve- 
nent  le  chemin  de  Capestaing. 

Et  sur  ce  marcha  monseigneur  de  Clermont , 
lieutenant  du  dict  seigneur  en  Lenguedoc,  accom- 
paigné  du  seigneur  d'Arnoye,  lieutenant  de  séné- 
chal à  Beziers,  et  de  plusieurs  aultres  gentilshom- 
mes, qui  se  avança  et  alla  trouver  le  roy  plus  loing. 
Et  petit  apprés  la  dicte  troppe  et  compaignie  de  la 

(i)  Deux  cents 


-43- 

ville  trouva  leroy.  Et  après  que  le  dict  seigneur  eust 
veu  marcher  le  dict  cappitaine,  enseignes  et  gens 
de  pied,  et  iceulx  l'eurent  salué  à  force  coups  de 
accabutz,  où  le  dict  seigneur  print  grand  plaisir, 
les  dicts  messieurs  officiers ,  consulz  et  aultres  de 
leur  compaignie  allarent  saluer  le  roy  avec  toute 
humilité  ;  et  là  luy  feust  faicte  la  arrangue  par 
le  dessus  nommé  maistre  de  Puymisson,  juge 
pour  le  dict  seigneur  à  Beziers  ;  après  laquelle 
arangue  le  dict  seigneur  leur  respondit  qu'il  les 
remercioit  de  bon  cœur  et  qu'ils  fussent  les  bien 
trouvez.  Sur  ce  point  marcha  le  roy,  et  d'ung  cousté 
marcha  le  roy  de  Navarre,  et  à  l'aultre  le  comte  de 
Sainct  Pol  et  monseigneur  le  cardinal  de  Lorraine, 
arcevesque  de  Narbonne,  et  aussi  le  dict  seigneur 
de  Clermont,  ausquels  le  roy  tinct  propos  de  la 
belle  assiette  de  la  dicte  ville  ;  et  aprez  venoient 
messieurs  les  enfans,  à  sçavoir  est  :  monseigneur 
le  daulphin,  monseigneur  le  duc  d'Orléans  et  mon- 
seigneur le  duc  d'Angolême;  et  suyvant  tous  les 
aultres  princes  et  gros  seigneurs  que  j'ay  au  com- 
mencement nommés ,  et  messieurs  les  officiers 
consulz  et  leur  compaignie,  où  bien  prés  de  là  le 
roy  trouva  la  gallère  de  la  paroisse  Saint- Félix, 
équippée  de  gens  avanturiers  qui  se  combattoient 
à  deux  brigantins  de  Mores,  illecques  expressément 
dressés  par  messieurs  de  la  ville.  Sur  quoy  le  roy 


—  44  — 
se  arresta  aulcunement  et  y  print  gros  plaisir. 
Ainsi  marcha  le  dict  seigneur  avec  la  troppe  jusques 
à  la  porte  de  la  dicte  ville  Dupont,  où  estoit  dressé 
un  grand  arc  triumphant  fait  à  colonnes  carrées  et 
à  cornices  à  l'antique,  paint  à  porphyres  et  jaspes, 
sur  lequel  au  plus  haut  estoyent  les  armes  du  roy, 
richement  painctes  et  fort  grandes,  dans  un  grand 
feston  faict  de  arbres  de  granatié  (i),  et  au  des- 
soubz  y  estoient  affixées  sur  la  comice  du  dict  arc 
triumphant  les  armes  de  la  royne,  ellevées  et  riche- 
ment painctes,  et  à  chesque  carlier  les  armes  de 
monseigneur  le  daulphin  et  de  monseigneur  d'Or- 
léans ;  et  par  dessus  toutes  les  dictes  armes  y  avoit 
ung  dicton  en  lettre  italienne  où  estoit  escript  en 
latin  : 

FranciscuSj  firma  Gallorum  félicitas. 

Au  dessoubz  des  dites  armes,  et  tenent  à  la  cor- 
nice  du  dict  arc  triumphant,  et  au  milieu  d'icelle,  y 
avoit  ung  aultre  dicton  en  latin,  escript  en  lettre  ita- 
lienne : 

Proîector  noster,  aspice,  rex, 
Et  respice  faciem  populi  tui. 

Et  à  chesque  cartier  du  dict  arc^  contre  les  co- 

(  I  )  Granatié ,  grenadier. 


-45  - 

lonnes,  au  dessoubz  des  armes  de  messieurs  les 
daulphin  et  duc  d'Orléans ,  y  avoit  ung  dicton  de 
chescun  en  mesmes  lettres  : 

Imperator,  franco  francior, 
Inîer  monarcas  augustissimus. 

Puis,  auprès  de  chescun  desdits  dictons,  en 
chesque  Cartier  des  deux  boutz ,  y  avoit  en  lettre 
ytalienne,  escript  en  lengue  vulgaire,  ce  que  s'en- 
suyt: 

Lorsque  Alaric ,  roy  de  secte  infidelle , 
Par  Clovis,  roy  chrestien  faict  le  premier, 
Il  feust  vaincu  en  guerre  fort  mortelle, 
Et  feist  ses  gens  à  soy  humilier. 
Despuis  Beziers  s'est  bien  voulu  renger, 
Soubz  cest  escu  en  grand  humilité. 
Dont,  ô  mon  prince  !  bien  te  vouldrois  prier 
Qu'en  gré  te  plaise  prendre  ma  voulenté. 

0  roy  puissant,  nostre  vray  protecteur, 

Des  francs  tuteur,  ton  hueil  vers  nous  adresse, 

De  toute  grâce  le  seul  distributeur, 

De  vray  amour  l'entier  auxiliateur, 

Et  deffenseur  des  Gauloys  par  prouesse; 

Beziers  te  faict  ores  veu  et  promesse 

Que  toi  seul  sys  pour  prince  veus  ouyr  : 

Si  te  supply  comander  las  que  est-ce 

Ton  bon  plaisir,  car  prest  est  t'hobeyr. 

Encores  au  dessoubz  des  armes  de  la  cornice , 


—  4»  — 
pendans  à  la  comice  de  l'arc  triumphant,  y  avoit 
ung  vaisseau  d'or  painct,  duquel  issoient  troys 
borjons  (i)  de  lis,  signifiant  que  les  trois  enfans  de 
France  cstoient  norrys,  entretenus  et  recouvrés  par 
Alyénor,  royne  de  France ,  et  au  moyen  de  la 
alliance  de  l'empereur  frère  de  la  dicte  dame,  faicte 
par  son  mariage  avec  le  roy,  et  voloient  dire  les 
dictes  figures  autant  comme  lys  encor;  au  dessoubz 
estoil  cscript,  en  huict  lignes  de  r)'me  croissée  : 

Ton  alliance,  ô  royne  et  bonne  mère  ! 
Ad  elivréz  ces  trois  borjons  de  France 
De  la  prison ,  ostaiges  de  leur  père  ; 
Dont  à  bon  droit  l'on  te  doit  révérence. 
Réduits  les  as  par  la  doulce  démence 
Au  domicile  royal  et  paternel , 
Dont  te  donnons ,  par  grand  esjoyssance , 
Gloire,  louange,  et  tout  los  immortel. 

Plusieurs  aultres  rimes  et  compositions  où  les 
jeunes  gens  avoyent  fantaisie  feurent  compousées 
à  la  décoration  de  la  dicte  entrée,  lesquels,  pour 
raison  de  aulcunes  contrariétés  et  parcialité  des 
alcuns  citoyens ,  restarent  à  y  estre  affixés ,  et  les 
figures  et  ystoires  sur  ce  inventées  obmises. 

Sur  l'arc  triumphant  y  avoit  un  chaffault  en 
forme  d'une  tour  dressée  par  géométrie,  aysé  à 

(i)  Borjons,  bourgeons,  rejetons. 


—  47  — 

lever  et  descendre  par  subtil  artifice,  et  de  draps 
d'or  et  de  soye  de  diverses  colleurs ,  à  l'aspect  et 
forme  du  ciel,  richement  aourné,  sur  lequel  y  es- 
toient  trois  jeunes  filles  en  beaulté  naturelle  super- 
latives, et  de  acoutrement  à  la  Toscane,  soigneuse- 
ment décorées ,  et  enquores  de  contenence  mieux 
exquises  ;  plus  déesses  ou  espéritz  angéliques  que 
corps  féminins  par  leur  resplandicente  formosité 
et  maintien  non  acoustumé  aulx  yeux  humains,  et 
des  assistens  adjugées. 

Desquelles  icelle  du  milieu  représentoit  la  ville 
de  Beziers,  vestue  d'ung  satin  jaulne  cler  citrin,  et 
plus  apparent  entre  les  colleurs,  comme  l'or  entre 
les  metaulx  et  le  soleil  entre  les  corps  célestes,  et 
la  socie  (i),  vulgairement  dite  le  gauch,  entre  les 
fleurs,  laquelle  colleur  jaulne,  selon  le  blazon  des 
colleurs,  en  vertus  signifie  sapiance,  richesse  et 
magnanimité,  et  en  humanité  et  amours  signifie 
jouyssance,  prudence  et  haultesse  ;  et  pour  la  por- 
ter en  livrée  le  bleu  et  le  blanc  y  sont  sur  toutes 
aultres  colleurs  mieux  séantz ,  signifiant  humble  et 
loyal  jouissant. 

La  seconde  fille ,  qui  estoit  à  la  main  droicte  , 
estoit  nommée  Obéissance,  vesteue  de  satin  blanc, 
blanche  colleur  et  commencement  de  beaulté  et 

(  I  )  Socie ,  souci. 


-48- 

joye,  et  comparée  à  la  lune,  et  des  mélaulx  à  l'ar- 
gent ,  et  des  pierres  précieuses  au  diamant  et  à  la 
marguerite,  et  des  fleurs  au  lys  et  à  la  rose,  et  si- 
gnifie la  personne  juste,  humble,  joyeulx,  large  et 
chaste. 

La  tierce  fille,  qu'estoit  à  la  main  gauche,  estoit 
nommée  Loyaulté,  vestue  de  satin  bleu  turquin , 
qu'est  colleur  moyenne  entre  l'eau  et  l'air,  et  res- 
semble au  ciel,  en  pierreries  au  safir,  en  fleurs  aulx 
ambesfoins  et  ne  me  oblie  mie,  en  metaulx  à  l'es- 
taing,  et  en  vertus  et  amours  signifie  bonté,  cor- 
toisie,  louyaulté  et  amitié. 

Or  donc,aproucham  le  roy  et  sa  suyte  de  la  dicte 
porte  et  arc  triumphant,  enrichy  de  ses  trois  médailles 
superlatives  aournées  des  trois  colleurs  susdites, 
blanc,  jaulne,  bleu,  dénotans  que  Beziers,  par 
obeyssance,  demeure  en  la  prison  d'amour  au  lys 
de  France,  despuys  Ciovis,  premier  roy  créstien, 
et  que  à  présent  par  loyaulté  avoit  elle  la  jouys- 
sance  et  fruyssion  de  la  présence  de  son  prince 
naturel  seigneur ,  descendit  du  dict  arc  triumphant 
icelle  tour  où  estoyent  les  dictes  filles  qui  ferma  en- 
tièrement l'entrée  du  dict  portai  tout  à  coup  à 
l'aspect  du  roy,  lequel  transpassé  du  veiz  (i)  at- 
tractif et  regard  plus  qu'humain  d'icelles,  demy 

(  I  )  Veiz ,  regard  —  vue  —  aspect. 


—  49  — 
ravi,  pensant  ce  estre  plus  ung  songe  que  chose 
naturelle,  soudainement  se  arresta  et  sa  troppe  ; 
auxquels  les  dictes  trois  filles,  en  luy  présentant 
par  Loyaulté  et  Obeyssance  les  clefs  de  la  ville,  de 
leurs  si  très  déliés  goziers  et  voix  sereines ,  après 
les  très  humbles  revérances ,  protesnantes  à  terre , 
lui  proférarent  les  versetz  suivans  : 

LOYAULTÉ. 

Dans  la  prison  d'amour  ferme  et  constante , 
De  toy,  mon  prince  et  magnanime  roy, 
Depuis  que  feuz  en  la  crestienne  loy, 
Béziers  a  eu  Loyaulté  pour  régente. 

OBEYSSANCE. 

Obeyssance  oncques  n'en  feust  absente , 
Incessement  avec  elle  repose, 
Ce  que  ton  vueil  (  i  )  à  commander  propose , 
Entièrement  l'accomplir  se  contempte. 

BEZIERS. 

Prince  d'honneur  en  sepdre  magnificque , 
Reçois  le  don  que  humblement  te  présente 
La  cité  de  Beziers,  surtout  obeyssante, 
Que  aultre  que  à  toy  de  servir  ne  s'applique. 

Sur  ce  point  les  quatre  premiers  consulz  de  la 
(i)  Vueilj  volonté. 


—    DO    — 

ville,  pourtans  leur  robbe  et  chapperons  de  livrée 
de  consulat,  se  myrent  à  pied  et  prindrent  le  poille 
que  illèquesavoit  esté  préparé  pour  le  roy,  qu'estoit 
de  vellours  rouge,  doblé  de  taffetas  pers  (Oet 
tout  semé  de  fleurs  de  lys  d'or,  et  frange  desoyede 
mesme,  lequel  mirent  sur  le  roy,  et  ainsi  entra  dans 
la  ville  les  dits  quatre  consulz,  teste  nue,  pourtant 
le  dit  poille,  et  marcha  le  dict  seigneur  par  la  dicte 
ville,  les  rues  de  laquelle  estoient  pavées  de  riches 
tapisseries  et  pardessus  couvertes  de  draps  de  di- 
verses colleurs  ;  et  au  milieu  des  dictes  couvertures 
de  draps  pendoyent  à  grand  abundance  des  festons 
de  Buysset,  dans  lesquels  estoient  les  armes  du  roy, 
de  la  royne,  de  messieurs  le  daulphin ,  duc  d'Or- 
léans et  duc  d'Angolesme,  et  en  alcuns  y  avoit 
une  salamandre ,  qu'estoit  la  devise  du  roy,  et  en 
aultres  le  fenix,  devise  de  la  royne. 

Pas  ne  veux  oublier  comme,  le  roy  estant  lez  le 
pont  de  la  dicte  ville,  icelle  ville  le  salua  à  gros 
coups  de  gros  canons  et  artillarie  en  grand  nombre, 
qui  ne  cessarent  jusque  que  le  dict  seigneur  feut 
entré  en  icelle  ;  que  pour  le  grand  bruict  plus  res- 
semblait à  tonayres  que  œuvres  dccanoniers.  L'or- 
dre que  le  dict  seigneur  tint  en  marchant  par  la  dicte 
ville   estoit,  oultre  grand  nombre  presque  innu- 

(i)  PerSj  bleu. 


DI 


mérable  qui  tout  ce  jour  avoient  tenu  de  entrer, 
et  grand  nombre  de  charriots  ;  au  devant  du  dict 
seigneur  marchoient  les  gentilshommes,  seigneurs, 
barons  et  aultres,  ses  domestiques  en  grand 
nombre,  et  auprès  et  devant  du  dict  seigneur 
alloit  le  cardinal  de  Lorraine,  et  monseigneur  le  duc 
de  Vendosme  et  le  seigneur  de  Barbezieux.  Et  in- 
continent après  merchoit  le  roy  soubz  le  dictpoille, 
et  tout  auprès  d'iceluy  messieurs  ses  enfants  sus- 
nommés, et  le  comte  de  Saint  Pol,  le  seigneur  de 
Clermont,  l'évesque  de  Lisieulx,  grand  ausmonier 
de  France,  l'évesque  de  Paris,  et  plusieurs  aultres 
prélats  et  gros  seigneurs;  et  suyvoient  après  mes- 
sieurs les  officiers  de  la  ville,  le  cinquiesme  con- 
sul et  habitans  d'icelle  à  cheval,  et  ainsi  alla  le  dict 
seigneur  jusques  à  la  chapelle  de  la  Trinité  là  où 
feurent  messieurs  de  la  grande  esglise  cathèdralle, 
avec  leurs  croix  et  reliques,  abillès  prossessionale- 
ment,  accompaignès  des  aultres  esglises  et  couvents 
d'icelle  ville,  lesquels  par  entiennes  et  jubilations 
ecclésiastiques  saluarent  le  dict  seigneur,  et  de  là 
s'en  entra  dans  la  maison  de  l'évesque. 

Incontinent  après,  messieurs  les  officiers,  con- 
sulz  et  habitans  retournarent  hors  de  la  dicte  ville 
pour  saluer  la  royne  et  mesdames  les  deux  filles  du 
roy.  Mais  tantost  après  qu'ils  feurent  lez  le  pont 
de  la  dicte  ville,  trouvarent  le  seigneur  de  Sorgues, 


—     52    — 

cappitaine  des  gens  de  pied,  avec  sa  troppe  susmen- 
tionnée, qui  sur  la  plaine  au  plain  de  la  maladrerie 
avoit  trouvé  la  dicte  dame,  et  la  saluoyt  à  grandz 
coups  de  acabutz  faisant  bruict  merveilleux. 

Sur  ce  mesme  LitUjIes  dicts  messieurs  officiers, 
consulz  et  habitans  saluarent  la  dicte  dame  et 
mesdames  les  filles  du  roy,  et  firent  bien  lescanon- 
niers  et  artilleurs  des  murailles  en  dehors  faisant 
bruit  impétueulx  à  coups  de  gros  canons,  et  ar- 
tiilarie,  et  les  accompagnarent  jusques  au  dict  por- 
tai et  arc  triumphant,  où  les  dessus  nommées  trois 
filles  firent  pareil  recueil  et  arangue.  Et  ainsi  les 
ditz  consuls  descendirent  et  baillarent  le  poille  à  la 
royne,  laquelle  estoit  dans  une  litière  descouverte, 
et  suyvoient  icelle  chescune  de  mesdames  les  filles 
du  roy  dans  une  aultre  litière.  Le  dict  poille  estoit 
de  satin  blanc  doblé  de  taffetas  pers,  et  semé  de 
fleurs  de  lys  d'or,  et  à  chesque  quarré  du  poille 
les  armes  dans  un  escusson  de  France  et  d'Espagne 
my-parties  y  estoientaffixées. 

A  la  suyte  de  laquelle  dame  estoient  mesdames 
de  Vendosme,  de  Nevers,  la  grande  seneschalle  de 
France,  madame  la  grand  maistresse,  lamareschalle 
de  Chatillon,  et  grand  nombre  de  demoiselles  sur 
acquenées;  enquores  en  y  avoit-il  trois  charriols 
chargés  de  femmes  et  jeunes  damoiselles,  etaccom- 
paignées  comme  dessus  est  dict,  allarent  descendre 


—  53  — 

à  la  dicte  maison  de  l'evesque,  où  la  dicte  royne 
feust  logée  avecques  le  roy,  et  les  aultres  dames 
aux  maisons  des  environs.  Et  faut  nolter  que,  pen- 
dant que  la  royne  entroit  dans  la  dicte  ville,  le  roy 
estoit  aux  fenestres  de  la  maison  episcopalle  qui 
véist  le  desduit  de  l'entrée,  et  rentrer  dans  la 
dicte  ville  le  dict  seigneur  de  Sorgues  et  gens  de 
pied  marchant  en  très  bon  ordre  :  où  le  dict  sei- 
gneur print  grand  plaisir. 

Ce  scier  mesme  messieurs  les  consultz  et  habi- 
tans  firent  présent  au  roy,  royne,  messieurs  les 
enfants  et  mesdames  ses  filles,  de  fruicts  et  confic- 
tures,  tant  d'Espaigne  que  de  ce  pays,  à  grans  abun- 
dance,  et  de  bons  vins  muscats  et  cleretz. 

Le  lendemain,  qu'estoit  le  quatorzième  jour  du 
dict  moys  d'aoust  au  matin,  messieurs  les  consulz, 
accompaignez  de  plusieurs  bourgeois  et  merchans 
de  la  dicte  ville,  firent  présent  au  roy  de  une  coppe 
d'argent  surdourée,  au  dedans  de  laquelle  il  y  avoit 
ung  salinier  duquel  le  creux  et  le  couvert  estoit  de 
crestail,  le  pied  et  aultre  garniture  d'or  fort  mer- 
veilleusement ouvré  et  garni  et  aourné  tout  à  l'en- 
tour,  et  par  dessus  le  couvercle  et  au  milieu  du 
pied,  de  saffirs,  rubis,  perles  et  aultres  pierreries 
taillées  et  poussées  en  forme  de  fleurs  de  lys.  Le- 
quel présent  ly  feust  présenté  par  maistre  Pierre  de 
Pradines,  docteur  ez-droits,  premier  consul,  non  par 


-  54- 
maniôre  de  présent,  mais  en  forme  de  recognois- 
nance  de  notre  prince  et  naturel  seigneur. 

Pareillement  donnarent  à  la  royne  ung  bassin 
et  deux  coppes  d'argent  surdouréz;  et  à  madame 
la  grand  maitresse,  femme  de  monseigneur  le  grand 
maistre  de  Montmorancy,  gouverneur  de  Lengue- 
doc,  luy  donnarent  deux  coppes  d'argent  surdou- 
rées'.  A  messieurs  les  enfants  et  mesdames  les  filles 
du  roy  ne  feust  faict  aulcun  présent,  pour  ce  que  le 
roy  l'avoit  prohibé  pour  espargner  fraiz  et  despense 

à  son  pays. 

Les  presentz  susdits  constarent  en  somme  uni- 
verselle la  somme  de...  (0. 

Le  mesme  jour  au  matin,  le  roy,  la  royne,  mes- 
sieurs les  enfants  et  mesdames  les  filles  du  roy  et 
toute  leur  suytte  se  despartirent  du  dict  Beziers,  et 
s'en  allarent  digner  à  Montblanc,  et  coucher  à  Pe- 

zenas. 

Monsieur  le  légat  et  chancellier  de  France  n'en- 
tra point  dans  la  ville  à  cause  de  la  grant  suitte  de 
la  cour,  mais  s'en  alla  louger  à  Villeneuve-lez-Be- 
ziers,  et  de  là  en  Agde,  où  il  demeura  par  aulcuns 

jours. 

LE  ROY,  ROYNE  et  toute  la  court  s'en  allarent  a 
Montpellier,  où  ils  demeurarent  huict  ou  dix  jours, 

(i)  Le  manuscrit  ne  la  donne  pas. 


—  55  — 

actendant  que  le  pape  se  approchast  de  Marseille, 
où  devait  estre  faicte  leur  assemblée ,  de  laquelle 
plus  à  plain  est  escript  et  faicte  mention  en  la  Géo- 
graphie BiCTERRiENNE  par  moy  compillée. 


CE  SONT  AULCUNS  RONDEAULX,  RIMES  ET  VERSETZ 
COMPOSÉS  POUR  LA  DICTE  ENTRÉE,  QUE  NE 
FEURENT  MIS  POUR  LA  CONTRARIÉTÉ  D'AULCUNS 
HABITANS. 

Franciscus,  sublime  decus,  radiantia  pergit  (i) 

Templa  quidem,  cujus  nomen  ad  astra  volât; 
Qui  bene  venisti,  salve,  my  care  viator, 

Ingrediens  nostre  limina  sancta  domus; 
Non  pigeât  duros  famis  aut  toUerasse  labores 

Frigoris,  aut  estus,  vel  sitis  atque  vie; 
Premia  pro  meritis  olim  tibi  justa  dabuntur, 

Polliceor  promptas  in  tua  vota  vices. 

Soubz  les  écussons  et  armes  de  France,  dictons  : 
Gallica  sceptra  vigent,  redeunt  spectacula  Troie. 

Domine,  salvum  fac  regem,  et  exaudi  nos  in  die  qua  invoca- 
verimus  te. 

(i)  On  a  conservé  l'orthographe  du  manuscrit. 


—  56  — 
Soubz   les  écussons  et  armes  de  messieurs  les 
daulphin,  duc  d'Orléans  eld'Angolesme  : 

Filii  tui  sicut  noville  olivarum  in  circuilu  mcnsc  tue;  Psal. 

CXXVII. 

Tu,  Domine,  salvabis  nos;  Ps.  XI". 

Datum  est  de  super. 

Carpe  trophales  lauros  tua  tempora  circum,  nominis  etem 

ama  superstes  erit. 

Vouloit-lon  aussi  dresser  ung  séjour  d'honneur, 
auquel  eussent  esté  deux  dames,  l'une  nommée  Hu- 
milité, et  l'aultre  République;  ung  jeune  enfant  leur 
frère  nommé  Bon  Voloir,  qui  à  la  requeste  de  ses 
sœurs  eust  présenté  le  séjour  de  honneur  au  Roy, 
disens  ces  vers. 

BON   VOLOIR. 

Soleil  royal,  monarque  magnanime, 

Bon  Voloir  suis ,  le  cueur  de  la  cité , 

Prest  sublimer  en  triumphe  sublime 

Le  nom  très  hault  sur  toutz  lés  roys  le  prime. 

Vous  présentant  la  dame  Humilité  ; 

La  République  en  généralité 

Vous  a  esleu  des  sièges  le  greigneur  (i). 

Après  labeur  aurez  tranquillité , 

Car  vous  avez  par  renom  mérité 

Lieu  immortel ,  au  grand  séjour  d'honneur. 

(i)  Greigneur,  grandior,  plus  grand. 


-57- 

RÉPUBLIQUE. 

Mon  protecteur,  mon  naturel  seigneur, 
Mon  roy  unique,  mon  prince  de  bon  ayre , 
Ta  majesté ,  en  ce  présent  repayre , 
Soit  bien  venu  dans  le  séjour  d'honneur. 

HUMILITÉ. 

Illustrissime  de  justice  amateur. 

De  cueur  très  humble ,  en  doulceur  et  clémence , 

Te  saluons ,  suppliant  ta  présence 

De  repouser  dans  le  séjour  d'honneur. 

Pareillement  à  la  place  vouloit-on  dresser  ung 
arbre  nommé  de  bonne  renommée  chargé  de  lys, 
et  au  plus  hault  les  armes  de  France  ;  et  au  pied 
sérient  assîz  deux  dames  :  foy  et  justice;  et  un  peu 
avant  le  dict  arbre  ,  y  seriont  deux  aultres  dames , 
honneur  et  vertu,  qui  eussent  dict  ces  versetz  : 

HONNEUR. 

Par  toy,  Vertu ,  qu'es  mère  de  noblesse , 
Est  préservé  le  lys  en  renommée  ; 
Foy  et  justice  sont  dessoubz  la  ramée , 
Voyant  leur  prince  en  démenant  lyesse  (i). 

(  I  )  Démener  lyesse  ,  se  réjouir. 


—  58  — 


VERTU. 


Voyant  leur  prince  non  pareil  en  prouesse, 
Trop  plus  que  Hector,  ne  le  grand  Charlemaigne , 
N'est-il  raison  que  triumphe  en  magne 
Dedans  Béziers,  qu'il  devoir  a  prins  dréesse. 

Aussi  vouloit-on  dresser  ung  chafault  auprès  de 
l'arc  de  la  Trinité  au  plain  de  la  grand  esglise ,  et 
dans  icelluy  mettre  douze  bergiers  et  aultant  de 
jeunes  berjerettes  acoutrées  de  taffetas,  portans  olet- 
tes  et  panetières ,  dansans  les  ungs  au  son  des  or- 
gues et  musetes ,  et  les  aultres  chantans  motetz  en 
orgues  et  par  accord  ;  et  en  ce  chafault  au  rabat  des 
cortines  y  estre  escript  ces  motetz  du  Saultier. 

luvenes  et  virgines ,  senes  cum  iunioribus ,  laudent  nomen 
Domini.  Ps.  CXLVIII. 
In  voce  infantium  et  iactantium  perfecisti  laudem. 
Egredimini,  filie  Syon ,  et  videte  regem. 

Cantico  III. 

MERCIER. 


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